Défis relatifs à la gestion du risque de taux d’intérêt : Partie 5—Comment tirer le meilleur parti de l’actif et du passif d’une société
Par Dariush Akhtari
Gestion du risque, décembre 2024
Note de la rédaction : L’auteur remercie chaleureusement Michel Perrin pour son dévouement indéfectible, ses innombrables heures de réflexion, ses discussions éclairées et son analyse méticuleuse des différentes approches. Son expertise, sa patience et son esprit de collaboration ont été inestimables pour ce projet, et ses apports ont considérablement amélioré la qualité et la profondeur des présents travaux.
Cette partie de cette série d’articles présentera diverses approches sous deux méthodes différentes utilisées pour lutter contre la non-additivité des taux clés et les comparera dans le cadre de divers environnements de taux. Dans la prochaine partie, je mettrai en lumière un autre faux pas dans le calcul des taux clés et la façon d’y remédier.
Définition des méthodes et des environnements de taux
Dans la partie 2 de cette série, j’ai utilisé une courbe des taux au comptant pour évaluer le rendement de chaque approche de calcul des taux clés pour ce qui est d’estimer la variation de la valeur. Dans le présent article, j’utiliserai une structure par échéance pour les taux au comptant fondés sur les taux au comptant réels durant une période d’un an et demi, du 4e trimestre de 2019 au 1er trimestre de 2021. Ci-dessous, deux méthodes sont définies en vertu desquelles quatre méthodes sont comparées. De plus, j’ai ajouté les taux clés 15 et 25, de sorte qu’il y a maintenant sept taux clés au lieu de cinq.
Méthode 1 – Centrée : Les mesures centrées utilisent une combinaison des variations à la hausse et à la baisse dans le calcul de KRkDV01 et de KRkCV01 (c.-à-d. les mesures). Cela signifie que pour les mesures à un point donné, on utilise à la fois des augmentations et des diminutions de taux depuis ce point.
Méthode 2 – Unilatérale : Les mesures unilatérales utilisent une variation unilatérale, c.-à-d. que seules les variations à la hausse ou à la baisse sont utilisées pour le calcul des mesures à la hausse ou à la baisse, respectivement. Puisque pour le calcul de KRkCV01, trois points sont nécessaires, j’ai ajouté +/- la moitié de la variation dans la direction souhaitée pour la méthode unilatérale. Par conséquent, les mesures unilatérales nécessitent encore plus d’exécutions.
Approche 1 – Taux clé échelonné : Dans cette approche, deux échelles sont créées, soit l’échelle à la hausse et l’échelle à la baisse. Les échelles de variation à la hausse/baisse sont créées en prenant le ratio de la variation de la valeur si l’ensemble des taux au comptant a subi une hausse/baisse pour atteindre la somme des variations de la valeur créée à l’aide des taux clés de variation à la hausse/baisse. Ces échelles sont appliquées à la variation de la valeur en raison des variations à la hausse et à la baisse des taux clés en conséquence. Les convexités de taux-clé DV01s (KRkDV01s) et de taux clé (KRkCV01s) sont ensuite calculées au moyen de ces valeurs mises à l’échelle. Il convient de noter que la somme de KRkDV01s serait égale à DV01 et, de même, la somme de KRkCV01 serait égale à CV01. Les échelles sont appliquées pour tenir compte des répercussions des taux clés croisés.
Approche 2 – Taux clé cumulatif : Dans cette approche, les variations pour le calcul des taux clés sont cumulées de sorte que la dernière variation de taux clé correspond à la variation parallèle par rapport à l’ensemble des taux au comptant. L’impact du taux clé pour chaque taux clé est la différence entre l’impact calculé en utilisant la variation cumulée moins celle générée par sa variation cumulative du taux clé immédiatement antérieure. Dans cette méthode, par défaut, la somme des mesures des taux clés correspond à celles créées par la variation parallèle par rapport à l’ensemble des taux au comptant. Comme il est indiqué à la partie 3, l’interaction entre tous les taux clés antérieurs et le taux clé actuel est prise en compte dans le taux clé actuel (voir l’annexe 1).
Approche 3 – Taux clé non échelonné : Dans cette approche, les taux clés ne sont pas échelonnés, mais toutes les interactions entre les taux clés sont également saisies au moyen de taux clés croisés (quatre combinaisons distinctes pour chaque taux clé x et y, c.-à-d. variation à la hausse/baisse du taux clé x avec variation à la hausse/baisse du taux clé y). Cette approche nécessite beaucoup plus d’exécutions. Toutefois, toutes les interactions sont saisies indépendamment et utilisées dans l’approximation de la variation de la valeur compte tenu de la variation des taux au comptant.
Approche 4 – Parallèle : Dans cette approche, seuls les taux DV01 et CV01 sont utilisés dans l’approximation de la variation de la valeur attribuable à une variation des taux au comptant. Évidemment, cette approche nécessite le moins grand nombre d’exécutions.
Je m’appuierai sur l’exemple de portefeuille à deux certificats de placement garantis (CPG) utilisé dans la partie 2 de la présente série d’articles, ainsi que sur les six taux au comptant réels du 4Q19 au 1Q21 (voir l’annexe 2). J’ai choisi ces taux non seulement pour le fait qu’ils sont fondés sur des taux qui ont été observés, mais aussi parce que pendant ces six trimestres, il y a eu des périodes de grands changements des taux non parallèles, y compris des variations importantes. J’ai généré des taux au comptant supplémentaires en les modifiant à la hausse pour créer des environnements dans lesquels le portefeuille de CPG afficherait divers profils de rentabilité, en vue d’évaluer l’efficacité de diverses approches dans l’approximation de la variation de la valeur. La date d’évaluation est fixée à 1Q20, c.-à-d. que le taux au comptant de départ est en date du 1Q20. Trois ensembles de taux au comptant différents ont été créés en ajoutant un écart constant (3 %, 0 % et 5 %) aux taux au comptant de départ. Il peut s’agir d’un écart gagné par rapport au taux sans risque (c.-à-d. le taux gagné attendu) ou simplement d’un environnement de taux d’intérêt différent. Tous les paramètres sont calculés à partir de la date d’évaluation en fonction des taux utilisés (c.-à-d. le taux au comptant au 1Q20 + l’écart). Pour le calcul de la valeur réelle dans un environnement différent, le portefeuille est évalué en supposant que les taux sont instantanément changés au taux en vigueur. Les valeurs attendues s’appuient sur diverses mesures calculées à l’aide des quatre approches susmentionnées. J’ai effectué 42 comparaisons, soit deux méthodes, trois changements d’écart (3 %, 0 % et 5 %) et sept environnements de taux.
- Les cas « A » renvoient à un ajout de 3 % à chaque taux au comptant : Cela a été fait pour forcer au moins un des deux CPG du portefeuille à atteindre le point d’inflexion ou à s’en éloigner (selon la variation du taux pour laquelle l’approximation est réalisée), produisant ainsi un environnement où les mesures de convexité sont volatiles et où l’utilisation potentielle des mesures de la GAP ne fournirait pas d’approximations exactes.
- Les cas « B » renvoient à l’absence d’ajout à chaque taux au comptant : Cela ferait en sorte que les produits du portefeuille seraient raisonnablement dans le cours (les taux au comptant étant inférieurs aux taux de garantie), entraînant du même coup des pertes. Tout changement de taux aura une incidence directe sur le profit.
- Les cas « C » renvoient à un ajout de 5 % à chaque taux au comptant. Cela ferait en sorte que les produits du portefeuille seraient raisonnablement hors du cours (les taux forcés seraient supérieurs à la somme du taux de garantie et de l’écart de prix) et que le profit serait raisonnablement fixé selon l’écart prévu (c.-à-d. que les flux de trésorerie seraient raisonnablement fixes), à moins que les taux ne diminuent.
Les sept scénarios de comparaison sont les suivants :
- Comparaison entre 1Q20 et 2Q20
- Comparaison entre 1Q20 et 3Q20
- Comparaison entre 1Q20 et 4Q20
- Comparaison entre 1Q20 et 1Q21
- Comparaison entre 1Q20 et 4Q19
- Comparaison entre 1Q20 et 1Q20+100 points de base
- Comparaison entre 1Q20 et 1Q20+50 points de base
J’ai créé des tableaux qui indiquent les variations réelles et approximatives des valeurs, en plus de tenir compte de leur magnitude et des erreurs absolues en pourcentage. J’ai effectué ces analyses en utilisant les méthodes centrée et unilatérale pour évaluer laquelle produira de meilleures estimations. De plus, j’ai utilisé des variations de 0,5, 1, 2, 10 et 50 points de base pour évaluer si des variations plus petites ou plus grandes produisent des approximations plus précises.
Comparaison de diverses méthodes pour estimer la variation de la valeur
Méthodes centrée et unilatérale : En comparant les tableaux de l’annexe 3, il semble que la méthode centrée pour les mesures ait permis d’obtenir une meilleure approximation de la variation de la valeur par rapport aux changements de taux instantanés, ce qui est surprenant. Par exemple, l’approche A1 (non échelonnée) pour les approximations produites au moyen de la méthode centrée donne des résultats sensiblement plus précis que ceux produits au moyen de la méthode unilatérale en utilisant n’importe quelle taille de variation. Toutefois, on se serait attendu à ce que l’intégration de l’orientation exacte du changement d’un taux clé et l’utilisation d’une mesure calculée à partir des changements fondés sur cette orientation aient produit une approximation plus précise. Je crois que cela s’explique par le fait que si, dans le sens particulier de la variation de taux, un point d’inflexion se produit, les mesures calculées à ce niveau sont appliquées à l’ensemble de la variation de taux pour la valeur approximative, tandis que dans une approche centrée, les mesures sont moyennées et l’impact est atténué. Pour cette raison, je recommande d’utiliser des mesures calculées selon la méthode centrée pour l’approximation de la variation de la valeur. De plus, un moins grand nombre d’exécutions sont requises avec la méthode centrée par rapport à la méthode unilatérale, en plus de produire des résultats plus précis, du moins pour cet exemple.
Comparaison de diverses approches pour estimer la variation de la valeur
Étant donné que la méthode centrée a produit des approximations plus précises, à partir de ce moment, les comparaisons de diverses approches n’utiliseront que les tableaux axés sur la méthode centrée. De plus, lorsqu’on compare les résultats de diverses approches, il semble que dans la majorité des cas, l’approche cumulative produit des approximations plus précises que toutes les autres approches. Pour le démontrer, je comparerai l’approche cumulative à toutes les autres approches.
Approches cumulative et échelonnée : En comparant les tableaux de l’annexe 3, on peut facilement noter que dans les cas utilisant la méthode échelonnée, l’approximation est extrêmement inexacte dans les cas A, lorsque la convexité est volatile, et semblable à l’approche cumulative dans les cas B et C. L’inexactitude des approximations dans les cas A peut être attribuable à l’utilisation des facteurs d’échelle, car lorsque les taux sont proches du point d’inflexion, les échelles utilisées peuvent s’éloigner sensiblement de 100 %. De plus, avec l’approche cumulative, une variation plus petite produit des résultats plus précis qui sont en général cohérents avec la saisie « véritable » des moments du premier et du second ordre.
Approches cumulative et parallèle : Comme le montrent les tableaux de l’annexe 3, à l’exception des cas A3, A4 et A5, lorsque les deux approches n’ont pas produit d’approximation précise, l’approche cumulative surpasse considérablement l’approche parallèle. Cette comparaison reflète l’importance d’utiliser des taux clés au lieu d’utiliser seulement les DV01 et CV01. La segmentation de la courbe au comptant en périodes plus petites où les taux semblent se rapprocher du niveau combiné à l’application de mesures pour ces périodes plus petites (c.-à-d. à l’aide de taux clés) devrait produire des résultats plus exacts.
Approches cumulative et non échelonnée : On s’attend ici à ce que l’approche non échelonnée surpasse l’approche cumulative puisque les interactions entre les taux clés sont explicitement saisies avec exactitude au moyen d’exécutions supplémentaires qui reflètent les taux clés croisés, plutôt que dans l’approche cumulative où ces interactions ont été implicitement saisies. Compte tenu de la moindre ampleur des variations de 0,5 et 1 point de base, l’approche cumulative surpasse l’approche non échelonnée. Il convient de noter que lorsque l’approche cumulative ne produit pas de résultats exacts, il en est de même pour l’approche non échelonnée, alors que dans d’autres cas, les deux approches produisent des résultats sensiblement exacts. Ce résultat n’est pas intuitif, car on s’attendrait à ce que l’approche plus exacte (c.-à-d. celle qui tient explicitement compte des interactions entre les taux clés) produise des résultats plus précis en tout temps. En outre, il convient de souligner que l’approche non échelonnée nécessite beaucoup plus d’exécutions pour saisir les interactions des taux clés (98 exécutions contre 14 exécutions au moyen de sept taux clés – en général « n » fois plus d’exécutions lorsque les taux clés « n » sont calculés).
J’ai examiné ce phénomène pour comprendre pourquoi l’approche non échelonnée ne surpasse pas toujours l’approche cumulative. Cela m’a amené à réaliser que, lorsqu’on calcule les taux clés, ce sont les taux à terme qui doivent être modifiés et non les taux au comptant. J’aborderai cette question dans la prochaine partie.
Annexe 1
Je montrerai ci-dessous comment les convexités des taux clés cumulatifs s’appuient sur une combinaison des convexités des taux clés et des convexités des taux clés croisés au moyen de l’approche non échelonnée. Le tableau A1.1 représente les valeurs calculées à l’aide d’une variation de 1 point de base pour les cas A. Étant donné que la convexité est généralement un petit nombre, tous les nombres présentés sont multipliés par 1 000; ainsi, la différence est 1 000 fois plus grande qu’il n’y paraît. Dans le tableau A1.1, on peut voir comment les taux clés cumulatifs reflètent raisonnablement bien les taux clés croisés. En général, tous les taux clés croisés compris entre x et y (x<y) sont ajoutés à la période y dans les taux clés cumulatifs.
Les faits énoncés et les opinions formulées dans le présent document sont ceux de chaque auteur et ne correspondent pas nécessairement à ceux de la Society of Actuaries, des rédacteurs du bulletin ou des employeurs des auteurs.
Dariush Akhtari, FSA, FICA, MAAA, est actuaire en chef auprès de Converge RE. Vous pouvez le joindre à dakhtari@converge-re.com.