Évaluation conforme au marché des rentes à terme fixe indexées

par Jing Fritz
Risk Management, Février 2022

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Pour le bulletin de décembre, étant donné que nous avons déjà en filière un article sur les provisions fondées sur des principes (PFP) liées aux rentes à terme indexées (RTFI), je me suis porté volontaire pour rédiger un article sur les RTFI afin de compléter cet article dans le cadre d’un numéro qui avait pour thème les RTFI. À l’origine, je songeais à parler des améliorations ciblées aux contrats de longue durée (ACCLD) et d’IFRS 17 afin de compléter le cercle des changements comptables et réglementaires en matière d’assurance et leur incidence sur les RTFI. Lorsque j’ai commencé à rédiger le document, je me suis rendu compte qu’il serait probablement plus utile de traiter de l’évaluation et de la modélisation conformes au marché des contrats de RTFI, afin d’accroître la sensibilisation à l’importance du cadre de l’évaluation conforme au marché dans les rapports de gestion internes des RTFI, tels que la gestion des risques et la tarification.

Évaluation générale des RTFI

L’évaluation d’un contrat d’assurance commence à l’étape du développement du produit et de la tarification. Les paramètres de tarification qu’une société d’assurances utilise pour évaluer la rentabilité de ses produits peuvent varier. Une pratique courante aux États-Unis consiste à examiner les bénéfices distribuables (BD) après impôt. Elle est formulée du point de vue des fournisseurs de capitaux (c.-à-d. les actionnaires et les détenteurs de titres de créance de la société d’assurances). Le flux de BD projetés, qui est déterminé après avoir conservé suffisamment de capital pour maintenir le ratio cible de capital fondé sur les risques (CFR), est mesuré par rapport à la contrainte initiale exercée sur le capital pour tester la rentabilité du produit. L’écart du taux de rendement interne par rapport au coût du capital (p. ex., le coût moyen pondéré du capital) pourrait être une mesure de tarification. Au lieu d’un pourcentage de l’écart, la direction souhaitera également voir la valeur en dollars des nouvelles polices, qui peut représenter l’écart entre la valeur actualisée des BD, le coût du capital comme taux d’actualisation, et la contrainte initiale sur le capital. Cette méthode de calcul des BD peut être utilisée pour la tarification des polices émises à des titulaires de police et des polices acquises/prises en charge d’une autre société d’assurances.

Une pratique de tarification moins courante consiste à examiner l’évaluation conforme au marché (ÉCM) des nouvelles polices. Dans le cas d’un produit traditionnel de rente différée, le concept d’ÉCM en matière de tarification pourrait ne pas être pertinent à moins qu’un prix équitable doive être calculé pour un bloc de polices acheté ou pour le cas d’une société qui adopte un cadre d’ÉCM pour les rapports de gestion. À titre de comparaison, les émetteurs de RTFI, qui appliquent à dessein les crédits indexés sur actions à la valeur du compte (VC) et auxquels pourraient être rattachés les avenants de prestations minimales garanties (PMG), connaissent mieux le concept d’ÉCM, car tant les crédits indexés sur actions que les PMG sont des formes de dérivés incorporés.[1]

L’approche du bénéfice distribuable réel et l’approche risque-neutre (RN, c.-à-d. l’ÉCM) ne sont pas mutuellement exclusives; elles se complètent puisque chacune fournit un aperçu de la rentabilité ou de la valeur d’un produit d’assurance sous divers angles. La méthode des BD donne aux fournisseurs de capital un aperçu du flux des rendements distribuables attendus sur leur investissement pour les produits. Les hypothèses qui sous-tendent la méthode des BD comportent toutefois une réserve : elles sont assez arbitraires et elles pourraient être sujettes à un biais de gestion. Par contre, l’ÉCM repose sur le principe de l’absence d’arbitrage. Elle peut produire la valeur incorporée des polices comme valeur actualisée de tous les bénéfices futurs, avec des hypothèses conformes au marché, ce qui est particulièrement utile pour les polices qui ont des dérivés incorporés comme des RTFI. L’ÉCM calcule le juste prix (p. ex., les frais dans le contexte des RTFI) à facturer aux titulaires de police, elle relie la tarification à la gestion de l’actif-passif (GAP) et à la couverture à partir de l’étape initiale du cycle des produits et, surtout, elle permet l’analyse complète des risques et des rendements : tous les risques associés à la conception complexe du produit sont bien compris et ils sont tarifés adéquatement avant le lancement du produit.

Tendance vers l’ÉCM

Bien que les cadres d’information financière de la direction, comme le cadre de tarification, soient axés sur l’interne, les changements apportés à la comptabilité d’assurance, comme la norme IFRS 17 et les améliorations ciblées aux contrats de longue durée (ACCLD), donnent l’occasion aux sociétés d’assurances d’adopter le cadre de l’ÉCM aux fins de présentation de rapports et de l’intégrer à d’autres fonctions comme la tarification.

Avant les ACCLD, les provisions techniques des prestations excédentaires pour les RTFI suivent la norme NP 03-1 et ce ne sont pas tous les émetteurs de RTFI qui utilisent des scénarios risque-neutre pour le calcul. Dans le cas des dérivés incorporés en vertu de la norme SAF 133, les assureurs peuvent utiliser des budgets d’options déterministes pour projeter les crédits indiciels, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de préparer une projection risque-neutre. Les ACCLD introduisent un nouveau concept appelé « prestation fondée sur le risque de marché » (PRM) qui doit être évalué à sa juste valeur. Les PMG liées aux RTFI, qui relèvent de la NP 03-1 avant les ACCLD, seront des PRM après les ACCLD, elles seront donc probablement évaluées selon des hypothèses conformes au marché. Cela offre également l’occasion d’harmoniser la modélisation du passif au titre des prestations excédentaires avec celui des dérivés incorporés (aux termes des ACCLD, tous les dérivés incorporés futurs pour les RTFI continueront d’être séparés de la prestation principale dès le premier jour) dans la mesure où les deux peuvent tirer parti du même ensemble de projections conformes au marché.

À l’instar de Solvabilité II (SII), le principe d’évaluation d’IFRS 17 est l’ÉCM. Différente de l’approche des ACCLD, IFRS 17 considère que les risques de tarification et les risques financiers des RTFI sont trop interreliés pour être séparés, de sorte qu’il n’y a aucune séparation entre la prestation principale et le dérivé incorporé, comme l’approche des ACCLD. Le passif total en vertu d’IFRS 17 renferme trois composantes : le passif de meilleure estimation (PME), l’ajustement au titre du risque (AR) et la marge sur services contractuels (MSC). L’AR est une provision de prudence explicite pour les risques non couvrables. À l’origine, la MSC correspond essentiellement à la valeur actualisée (VA) des bénéfices qui seront intégrés progressivement aux gains à mesure que le service d’assurance sera fourni. Le concept de la MSC peut s’adapter correctement au domaine de la tarification pour mesurer la rentabilité d’un produit d’assurance. Au-delà de ce point, le PME est utilisé en référence au passif calculé à l’aide d’hypothèses de meilleure estimation, au sens général, et non dans le contexte d’IFRS 17.

Évaluation conforme au marché (ÉCM)

1. Consignes générales en prévision de l’ÉCM

Pour les entreprises qui souhaitent adopter un cadre d’ÉCM, la première question qui vient à l’esprit est probablement de savoir par où commencer. Des normes comptables fournissent des principes directeurs pour la détermination de la juste valeur. Il n’est pas du tout nécessaire que le cadre interne d’évaluation ou de gestion des risques soit conforme à ces normes; toutefois, celles-ci jettent les bases du cadre de l’ÉCM, et les actuaires en tarification ou en gestion des risques peuvent apporter des changements discrétionnaires quand bon leur semble.

Bien qu’elles ne précisent pas dans quelles circonstances la détermination de la juste valeur est requise ou permise, les normes FAS 157 et IFRS 13 établissent un cadre cohérent pour l’évaluation de la juste valeur, quel que soit le type d’actif ou de passif à évaluer. Les facteurs utilisés pour mesurer la juste valeur sont classés en trois niveaux différents. L’adéquation de chaque niveau d’intrants à la détermination de la juste valeur des contrats d’assurance est abordée ci-après :

Niveau 1 : Prix observables sur le marché
Le niveau 1 est évalué à la valeur du marché; par exemple, le prix d’un titre négocié. Il doit exister un marché liquide et actif pour l’actif ou le passif. Cette exigence n’est pas respectée pour les contrats d’assurance.

Niveau 2 : Aucun marché actif – prix coté ou valeur modélisée avec données observables du marché
Bien qu’il existe de nombreuses opérations de réassurance et activités de fusion et d’acquisition d’assurance, un prix coté n’est probablement pas disponible. Les sociétés d’assurances devront plutôt se fier à la modélisation pour calculer la juste valeur des produits d’assurance. L’approche des flux de trésorerie actualisés est habituellement la technique de modélisation par excellence. Certains des intrants nécessaires à la modélisation, comme les taux d’intérêt, pourraient être observés à partir du marché, de sorte qu’ils se situent au niveau 2.

Niveau 3 : Dernier recours – valeur modélisée avec données non observables
Il s’agit du niveau le moins évalué à la valeur du marché. Comme il est impossible d’observer quelques données du marché, l’évaluation nécessitera des données de niveau 3 dans la hiérarchie de la juste valeur.

Tout comme les contrats d’investissement complexes, notamment les titres adossés à des hypothèques, l’évaluation de la juste valeur d’un contrat de RTFI mise sur une combinaison de modèles quantitatifs, de données observables sur le marché et d’hypothèses subjectives.

Les normes comptables applicables à la juste valeur exigent également que la juste valeur tienne compte des risques de non-exécution, y compris le risque de crédit. Toutefois, l’intégration des risques de non-exécution dans la modélisation à des fins internes n’est pas vraiment une exigence. Une telle inclusion dans la tarification faussera probablement l’estimation de l’obligation de la société d’assurances, produisant des frais contractuels insuffisants pour payer les prestations des titulaires de police. Aux fins de tarification, il est généralement accepté de ne pas inclure les risques de non-exécution.

2. Approche de modélisation

L’approche des flux de trésorerie actualisés (FTA) est l’approche générale utilisée pour évaluer la juste valeur des RTFI. Son application à IFRS 17 et aux ACCLD varie. La modélisation à des fins de gestion interne n’est pas restreinte par les normes comptables.

À un niveau élevé, un flux d’entrées et de sorties de trésorerie est projeté jusqu’à ce que l’entreprise mette un terme à ses activités. La prime initiale (entrée de trésorerie) crée la VA. Les crédits indiciels, qui ne sont pas des flux de trésorerie en soi, et les dépôts supplémentaires (entrées de trésorerie) font croître la VA. Les retraits partiels (sorties de trésorerie), les frais de rachat (entrées de trésorerie), les frais (entrées de trésorerie), etc. réduisent la VA. Une fois la VA épuisée, les prestations excédentaires (entrées de fonds) se maintiendront dans la projection pour les produits avec avenants PMG. Ces flux de trésorerie sont ensuite actualisés pour obtenir la valeur actuelle pondérée en fonction des probabilités.

3. Données, hypothèses et méthodologie

Comme nous l’avons déjà mentionné, l’évaluation de la juste valeur des RTFI nécessite une modélisation avec différents intrants, et la façon dont la valeur des intrants est obtenue varie selon le type d’hypothèses.

De façon générale, les intrants financiers, comme les taux d’intérêt, peuvent être observés à partir du marché des capitaux. Toutefois, il y a une limite à ce qui peut être observé à partir du modèle de capital. Un défi type veut que le passif d’assurance ait tendance à être beaucoup plus long que la durée des instruments correspondants du marché des capitaux. Par exemple, à l’heure actuelle, le Trésor américain n’offre pas d’échéances de plus de 30 ans; sauf dans de rares cas, les échéances des crédits de sociétés cotées en bourse aux États-Unis sont encore plus courtes, car les intervenants du marché, probablement autres que les sociétés d’assurances ou les caisses de retraite, n’ont plus de propension à acquérir des crédits de société de longue durée. On peut en dire autant du marché des dérivés. Parfois, il n’existe tout simplement aucun instrument négocié, avec lequel les dérivés incorporés peuvent être directement reproduits et auxquels les hypothèses financières conformes au marché peuvent être étalonnées.

Les hypothèses de tarification ne sont toutefois pas observables et elles sont plutôt estimées par chaque société d’assurances, en combinant l’expérience historique de ses titulaires de police et le jugement actuariel au sujet des attentes futures. Le risque de mortalité/longévité est probablement le seul risque de tarification qui pourrait être observé, selon les recherches universitaires ou les manuels de tarification des grands réassureurs-vie. Les hypothèses concernant les comportements des titulaires de police, comme les déchéances et les retraits, et leur interaction avec les hypothèses économiques sont plus arbitraires et davantage propres aux sociétés. Cela dit, certains fournisseurs offrent des services d’information sur les comportements des titulaires de polices d’assurance, mais ces services ne sont pas autant utilisés que ceux de leurs homologues dans le domaine des données sur les marchés de capitaux, comme Bloomberg et IHS Markit.

3.1 Intrants financiers et modélisation

Taux d’intérêt

Quel taux d’intérêt devrait être utilisé?

Bien que l’on estime généralement que le taux d’intérêt représente en théorie la valeur temps de l’argent, le taux d’intérêt observable du marché qui doit être utilisé est discutable. Par exemple, les spécialistes du secteur bancaire se fonderont sur des ensembles de taux d’intérêt différents de ceux du secteur de l’assurance. Aux États-Unis, les taux d’intérêt d’une société d’assurances sont généralement groupés dans deux catégories : le taux du Trésor américain et le taux LIBOR (ou taux de swap). Le premier s’applique davantage aux produits d’assurance adossés à des actifs du compte général (p. ex., le transfert du risque lié aux régimes de retraite), car les taux du Trésor américain représentent le taux d’intérêt type mentionné pour les actifs en espèces, comme les obligations de sociétés. Par exemple, les écarts de crédit d’une obligation de société sont généralement cotés comme un taux en excédent du taux du Trésor américain. En pratique, le taux LIBOR est le taux d’actualisation utilisé par les intervenants du marché pour l’évaluation et la tarification risque-neutre des dérivés sur un marché liquide et actif et il comprend une prime couvrant les risques de crédit des banques emprunteuses. Le LIBOR lui-même présente bien des lacunes et il sera bientôt remplacé par des « taux sans risque ». La version en dollars américains de ce « taux sans risque » s’appelle SOFR (Secured Overnight Financing Rate). Théoriquement, les taux LIBOR devraient être plus élevés que ceux du Trésor américain, car une prime de risque est ajoutée pour les prêts interbancaires. Nous avons toutefois constaté que les taux du Trésor américain sont poussés à la hausse, au-dessus du taux LIBOR de même durée à quelques durées pour diverses raisons, notamment les activités de gestion du bilan de la Reserve américaine.

Les RTFI ou d’autres produits liés à des actions sont uniques parce que le crédit indiciel est financé par le rendement du portefeuille des actifs du compte général, qui détermine le budget des options. Le taux du Trésor est le choix naturel pour le taux d’intérêt dans la projection du rendement du portefeuille. Celui-ci comporte également un élément d’écart qui sera abordé dans une autre section. En comparaison, le taux d’intérêt utilisé pour l’actualisation dans l’évaluation des dérivés incorporés est plus ambigu. Les documents comptables ne précisent pas le taux d’intérêt à utiliser. La pratique réelle pourrait varier selon la société d’assurances, le produit d’assurance, etc. Par exemple, certaines sociétés d’assurances ont utilisé un taux hybride combinant à la fois le taux LIBOR (en soustrayant éventuellement une prime de risque) et le taux du Trésor américain comme taux d’intérêt, auquel une prime illiquide pourrait être ajoutée (si l’approche ascendante est choisie), tandis que d’autres utilisent simplement l’un de ces deux taux pour actualiser les flux de trésorerie dans l’évaluation du passif selon IFRS 17. De nombreuses sociétés d’assurances utilisent simplement le taux LIBOR ou le taux de swap comme taux d’intérêt dans l’évaluation de la juste valeur (p. ex., FAS 133, PRM) selon les PCGR des États-Unis.

Taux d’intérêt déterministes et stochastiques

Le taux d’intérêt et l’écart ne sont pas nécessairement séparés dans la projection du rendement du portefeuille qui détermine le budget des options. S’ils le sont, le taux d’intérêt utilisé est généralement le taux du Trésor. Des scénarios réels peuvent servir à prévoir les taux futurs du Trésor. Le générateur de taux d’intérêt RW de l’American Academy of Actuaries (AAA) est une option. Toutefois, étant donné que le budget des options sera utilisé pour déterminer les valeurs des paramètres des RTFI, comme le taux de plafonnement et le taux de participation, pour s’assurer que le budget des options est respecté, une simulation stochastique sur stochastique est nécessaire. La solution la plus facile pourrait consister à utiliser un taux d’intérêt à trajectoire déterministe pour le budget des options, ce qui simplifie également l’établissement des hypothèses de l’écart dans le budget des options.

Le fait d’utiliser le taux LIBOR ou le taux de swap comme taux d’intérêt pour l’actualisation a son avantage sur le plan de l’évaluation risque-neutre ou conforme au marché, car les dérivés sur le marché des capitaux utilisent le LIBOR. Par conséquent, divers modèles de marché LIBOR, qui sont utilisés pour générer les scénarios de taux d’intérêt risque-neutre, sont facilement accessibles. Le modèle de marché LIBOR (MML) avec volatilité stochastique de style SABR est courant. Les modèles LIBOR sont habituellement étalonnés en fonction d’options sur swap négociées sur le marché.

Étant donné que les RTFI ont habituellement en place des couvertures pour s’assurer que le crédit indiciel est entièrement ou étroitement lié aux résultats à l’échéance des instruments de couverture, le LIBOR (ou son remplacement) est censé être le taux d’actualisation pour s’assurer que les crédits indiciels prévus correspondent en moyenne au budget des options. Aux fins de la tarification, le taux LIBOR est probablement le taux d’intérêt également privilégié pour l’actualisation afin de s’assurer qu’un juste prix est payé pour la couverture et qu’un juste prix est facturé au titulaire de police.

Si un taux autre que le LIBOR est choisi comme taux d’intérêt pour l’actualisation et qu’un ensemble de taux d’intérêt stochastiques risque-neutre est nécessaire, l’une des options pourrait consister à supposer que les écarts entre le taux choisi et le LIBOR sont déterministes et que les écarts seront ajoutés après l’étalonnage du taux LIBOR au moyen de la méthode MML.

Risque d’illiquidité, risque de crédit, etc.

L’ensemble des sociétés d’assurances offrant des RTFI prennent des risques d’investissement, probablement à l’exception du risque de non-appariement, dans leurs actifs investis pour accroître le rendement des placements afin de soutenir les avantages offerts aux titulaires de police. Pour les RTFI, l’écart du risque de placement dans le rendement du portefeuille sera projeté pour générer un budget futur d’options, qui déterminera à son tour les crédits indiciels. L’approche la plus simple consistera à utiliser une solution déterministe, comme il a été mentionné dans la section sur les taux d’intérêt. Bien que les contrats d’assurance doivent être évalués au niveau individuel, le portefeuille d’actifs est géré à un niveau plus agrégé, la granularité réelle variant selon l’effort de GAP de chaque société. Les crédits indiciels influeront sur les flux de trésorerie futurs dans l’évaluation du contrat.

Toutefois, il est sujet à discussion de savoir si l’écart de rendement, en compensation du risque de placement, peut être intégré à l’évaluation des contrats d’assurance, étayée par ces mêmes placements. Plus précisément, le taux d’actualisation des flux de trésorerie peut-il être majoré lorsque les rendements des actifs sont plus élevés? À l’encontre d’une telle pratique, on pourrait soutenir qu’elle incite les sociétés d’assurances à prendre des risques de placement dans le seul but de réduire la valeur du passif. Du point de vue comptable, cela signifie également que deux sociétés auraient deux mesures différentes pour un même passif. En règle générale, les normes comptables ne permettent pas que le rendement supplémentaire des actifs se traduise directement par une augmentation des taux d’actualisation.

Dans IFRS 17, une prime d’illiquidité, théoriquement une compensation pour le manque de liquidité du produit d’assurance, peut être ajoutée au taux d’intérêt pour actualiser les flux de trésorerie d’exécution. Les pertes de crédit, qui pourraient être appliquées aux pertes de crédit attendues (PCA) en vertu d’IFRS 9, ont été supprimées de la prime d’illiquidité. Toutefois, les flux de trésorerie provenant du contrat d’assurance et des placements adossant le passif d’assurance doivent être prévisibles pour que la prime d’illiquidité soit justifiable. Les flux de trésorerie des RTFI ne sont habituellement pas prévisibles.

Pour la modélisation interne, il convient probablement de ne pas ajouter d’écarts au taux d’intérêt pour l’actualisation.

Actions

À la différence des contrats d’assurance avec participation directe, comme la rente variable, le fonds du titulaire de police pour les RTFI n’est pas investi dans les fonds indiciels sous-jacents; le taux crédité au compte indexé des RTFI est plutôt lié au rendement du marché boursier, à la variation point à point du prix de l’indice ou des indices boursiers, pour être précis. La variation de prix de l’indice lié est rajustée en fonction de formules incluant les taux de participation, les plafonds et les planchers, etc. L’indice de référence pourrait être un indice boursier important comme le SPX ou, moins fréquemment, une combinaison d’indices différents. Un indice synthétique pourrait rendre la modélisation du dérivé incorporé très difficile.

Comme nous l’avons déjà mentionné dans la discussion sur les taux d’intérêt, les crédits indiciels sont appuyés par une partie du rendement du portefeuille provenant des actifs du compte général, notamment le budget des options. Les sociétés d’assurances ajustent principalement les paramètres comme les plafonds, les planchers et les taux de participation pour s’assurer que la VA des crédits indiciels dans un contexte risque-neutre ne dépassera pas le budget des options. Dans la projection, ces paramètres peuvent être ajustés, mais la projection doit correspondre à la réalité selon laquelle certains paramètres ont un certain degré d’adhésivité. Si les paramètres ne sont pas synchronisés par rapport à leurs pairs, le risque de désintermédiation fera jour puisque les titulaires de police auront la possibilité de racheter la police et d’obtenir des rendements plus favorables ailleurs, surtout après l’expiration de la période de frais de rachat.

Le modèle de tarification des options de Black-Scholes (BS) a toujours été utilisé pour déterminer les plafonds ou les taux de participation futurs des RTFI. Il a l’avantage d’être une solution fermée. Toutefois, les hypothèses de BS comportent plusieurs limites : p. ex., des taux sans risque constants et la volatilité uniforme des actions. Depuis l’introduction des options de BS, quelques modèles en ont élargi la portée. Le modèle de Heston est un exemple qui ajoute à la volatilité stochastique des actions. En outre, les modèles hybrides actions-taux d’intérêt, comme une combinaison de Heston pour les actions et l’extension stochastique de la volatilité du MML pour les taux d’intérêt, permettent à la fois le taux d’intérêt stochastique et les actions stochastiques. Quel que soit le modèle choisi, les dividendes doivent être supprimés dans la tarification de l’option, car les RTFI sont en réalité des dérivés des prix.

L’étalonnage des plafonds futurs, etc., est effectué avant que les projections des FT et la VA des FT soient modélisées dans le modèle actuariel. Lorsque les paramètres (p. ex., plafonds) seront établis pour chacun des segments futurs crédités, ils seront utilisés dans le calcul des crédits d’indices boursiers spécifiques pour chaque contrat, dans la projection de la VA, des flux de trésorerie et ainsi de suite, y compris tous les intrants et hypothèses de modélisation. Pour chacun des scénarios, un flux de rendement des actions à risque-neutre est jumelé à un flux de taux d’intérêt à risque-neutre, tout comme la façon dont ils sont prévus dans le cadre du processus de dérivation des paramètres des produits.

3.2 Intrants de tarification et modélisation

Contrairement aux risques financiers, les risques de tarification inhérents aux contrats d’assurance ne sont pas couvrables. Par conséquent, une prudence supplémentaire est requise pour couvrir l’écart défavorable potentiel des hypothèses de tarification. En plus des hypothèses de meilleure estimation (ME), une marge de risque (MR) est nécessaire pour les hypothèses de tarification. La MR a son propre sens et sa propre application dans Solvabilité II (SII); toutefois, dans le présent document, elle représente la provision pour écarts défavorables (PED) au sens général.

Quelques approches ont été utilisées par les sociétés d’assurances pour quantifier la MR, y compris l’approche du coût du capital (CC), la mesure de la valeur à risque (VaR) ou la mesure de la valeur de l’espérance conditionnelle unilatérale (ECU) et la décote du taux d’actualisation comme approximation. L’approche du CC a été rendue populaire par SII. Elle actualise les coûts des capitaux de risque futurs pour les risques de tarification et elle est plus coûteuse sur le plan informatique que la mesure de la VaR ou de l’ECU, qui sont plus simples et constituent le choix le plus populaire pour la norme IFRS 17 puisque les sociétés d’assurances doivent divulguer l’intervalle de confiance pour l’AR ou l’intervalle de confiance équivalent si une mesure autre que la VaR est utilisée pour l’AR. La MR en tant que décote de taux d’actualisation est un raccourci, mais il s’agit néanmoins d’une approche acceptable. La décote au taux d’actualisation est résolue de sorte que la différence entre le passif calculé avec l’inclusion d’une telle décote et sans la décote correspond exactement au montant de la MR produite par le premier calcul du principe. La décote au taux d’actualisation a l’avantage de faciliter la mise en œuvre de la modélisation.

Le génie financier a fait progresser la modélisation des données financières. Toutefois, l’application de l’analyse statistique aux prévisions des hypothèses de tarification n’a pas été assujettie au même niveau de sophistication. La distribution normale est probablement la distribution la plus utilisée pour les variables de risque de tarification, en partie en raison du théorème de limite centrale. La distribution t est aussi une option. Le principal obstacle à l’application des techniques statistiques a été le manque de données de qualité. Le manque de données historiques crédibles est une préoccupation majeure, surtout lorsqu’un tout nouveau produit est lancé. Même pour les produits qui sont en place depuis quelques années, le point central de l’étude d’expérience porte sur le suivi du ratio réel/prévu (R/P) et l’ajustement des hypothèses prévues dans les prévisions des produits existants ou le prix des nouveaux produits pour s’assurer que le ratio R/P futur est proche de 100 %. Les sociétés d’assurances n’étaient pas tenues de séparer explicitement la ME et la MR dans leurs rapports à moins qu’ils ne soient régis par SII. La nécessité d’améliorer l’étude d’expérience est devenue plus imminente en raison des changements apportés aux normes comptables en assurance. Les ACCLD exigent l’utilisation de la ME et le suivi explicite des données réelles par rapport aux données attendues pour les produits de l’ancienne FAS 60. Plus pertinente pour les RTFI, la MR dans l’évaluation de la juste valeur de la PVE et celle pour la PRM doivent être quantifiées. Les ACCLD exigent également une divulgation plus détaillée des résultats d’expérience. À l’instar de SII, IFRS 17 exige la transparence de la ME et de la MR.

Pour l’instant, les sociétés d’assurances utilisent la méthode quantitative et le jugement actuariel pour déterminer la ME et la MR. Bien que la pratique puisse varier, l’établissement des hypothèses suit généralement les étapes ci-après :

  1. Chaque hypothèse de tarification est analysée de façon indépendante. Pour le même type d’hypothèse, il pourrait exister d’autres ventilations selon le type de produit, le profil démographique des titulaires de police, etc. La ME prend habituellement la forme d’un tableau. Les ratios R/P compilés à partir de l’étude des dépenses sont ajustés en fonction d’une distribution pour que les mesures du risque extrême puissent être calculées. On obtient habituellement des valeurs extrêmes aux deux extrémités de la distribution. Parfois, une tendance est également incluse dans le processus d’ajustement.
  2. L’impact de la MR est ensuite saisi pour chaque hypothèse comme étant la différence dans les résultats modélisés entre l’exécution du modèle avec la ME et l’exécution du modèle avec l’hypothèse de simulation. Les variations à la hausse et à la baisse des variables sous jacentes sont testées afin de déterminer l’orientation défavorable.
  3. Une matrice de corrélation entre toutes les variables de tarification sous-jacentes déterminées à l’étape 1 est également élaborée. Cette mesure peut être exécutée à l’étape 1 et elle ne sera probablement pas utilisée à l’étape 2.
  4. Un impact total de la MR pour toutes les hypothèses de tarification est agrégé et il renferme les résultats des étapes 2 et 3.

Le processus ci-dessus décrit une méthode générique de mise en œuvre de l’approche de la MR de la VaR. D’autres approches pourraient suivre un processus différent.

Parmi les différents risques, la mortalité et l’amélioration de la mortalité ont été largement étudiées pour diverses raisons. Les hypothèses de meilleure estimation sont habituellement fondées sur des tableaux et des modèles publiés par des groupes de recherche, comme la SOA. Les sociétés d’assurances peuvent ajuster l’établissement des hypothèses en tenant compte des caractéristiques démographiques particulières des titulaires de police et des résultats de leur propre étude d’expérience. Comparativement à d’autres types d’hypothèses de tarification, p. ex. le retrait partiel, les spécialistes se fient davantage à l’analyse quantitative qu’à l’évaluation qualitative pour les risques de mortalité ou de longévité.

La quantification de l’interaction entre les données financières et les hypothèses de tarification relève davantage de l’art que de la science. Cela fait un certain temps maintenant, mais je me souviens encore très bien d’avoir participé à de longues séances de remue-méninges avec des collègues sur la matrice de corrélation couvrant toutes les variables de risque possibles pour SII. Les comportements dynamiques des titulaires de police sont très pertinents pour les RTFI. Toutefois, il est beaucoup plus facile d’évaluer qualitativement le scénario hypothétique que de chiffrer la réaction potentielle du titulaire de police.

Conclusion

La plupart des sociétés d’assurances établies aux États-Unis n’auront pas eu à élaborer un cadre global d’ÉCM aux fins des rapports de gestion, y compris la tarification. Le cadre d’ÉCM est difficile à bâtir à partir de zéro et l’exercice nécessitera beaucoup d’efforts. La bonne nouvelle est que le concept d’ÉCM n’est pas nouveau pour les RTFI en raison des composantes investissement dans sa conception, de sorte que certains travaux préparatoires devraient déjà avoir été effectués, surtout en ce qui concerne la modélisation des hypothèses financières. Étant donné que les normes d’information externe, comme les ACCLD et IFRS 17, poussent les sociétés d’assurances à évaluer les RTFI de manière cohérente sur le marché, il est maintenant temps pour elles de réfléchir à la façon d’intégrer le référentiel d’ÉCM aux rapports de gestion et à la gestion des risques. Ce cadre peut profiter aux émetteurs de RTFI à bien des égards, ce qui rend très valables les efforts qui doivent être déployés pour élaborer l’ÉCM :

  1. Il assure la transparence des risques dans les produits à partir de l’étape du développement des produits à mesure que les hypothèses implicites passent aux hypothèses explicites;
  2. Il contribue à inculquer la culture de la gestion des risques dès le début du cycle des produits;
  3. Il encourage la collaboration entre la tarification, la GAP et la couverture, et d’autres secteurs afin d’assurer une mesure robuste des risques et la facturation d’un prix équitable pour ces risques;
  4. Il permet une analyse plus précise de l’attribution des gains et une analyse des écarts entre la tarification, la couverture et l’évaluation/les rapports externes en cas de différences discrétionnaires dans la méthodologie et les hypothèses.

Les faits énoncés et les opinions formulées dans le présent document sont ceux de chaque auteur et ne correspondent pas nécessairement à ceux de la Society of Actuaries, des rédacteurs du bulletin ou des employeurs des auteurs.


Jing Fritz, FSA, MAAA, CFA, FRM, CERA, est gestionnaire principal à PwC et membre du conseil de la Section conjointe de la gestion des risques. On peut la joindre à jing.fritz@pwc.com.


Notes en fin d’ouvrage

[1] Du point de vue comptable, l’expression « dérivés incorporés » (DI) a son sens particulier et les PMG ne sont pas techniquement des DI dans le contexte de la comptabilité. Il s’agit plutôt d’avantages liés au risque de marché dans le cadre des ACCLD. Sauf indication contraire, l’expression « dérivé incorporé » est utilisée pour décrire les dérivés qui sont incorporés dans les produits d’assurance, peu importe leur traitement comptable ou leur définition.